Fongauffier-sur-Nauze

Fongauffier-sur-Nauze

Il a tiré sa révérence.

 

 

 

Les automoteurs "bombardiers", de la série 81000, présentent l'avantage de pouvoir utiliser l'énergie électrique et, en baissant le pantographe, d'utiliser l'énergie thermique. C'est surtout intéressant lorsque le parcours n'est pas entièrement électrifié ; comme Bordeaux-Périgueux ou Bordeaux-Sarlat.

 

Année du cent-cinquantenaire oblige le blog va tourner son projecteur sur le chemin de fer, sur son patrimoine et sur celles et ceux qui prennent, ou ont pris, une part, parfois modeste, à sa vitalité, souvent dans l'ombre d'une profession quasi-obscure, occasionnellement dans la tourmente des intempéries à la recherche, sur le terrain, d'un dysfonctionnement pour assurer la permanence du service. Avant de vous rendre compte de la promenade des viaducs jetons un regard sur un passé de conducteur.

Tout à fait fortuitement j'ai rencontré Patrick Robert, un conducteur du Dépôt de Bordeaux, qui, ce dimanche 21 avril, prit les commandes de son automoteur pour la dernière fois. Je vais donc, aujourd'hui, vous livrer le terme d'une vie de conducteur ; autrefois on disait mécanicien.

  

Le tout premier début. Celles et ceux qui sont encore dans la population active se souviennent sans doute de leur premier pas dans la profession. C'était, pour un jeune maçon, la construction de son premier ouvrage ou, pour un(e) jeune enseignant(e) fraîchement émoulu(e) de l'École Normale ou de l'I.U.F.M, l'occasion de soutenir le regard scrutateur et jaugeur de ses premiers élèves. Ce jour là s'entremêlent les notions de fierté, de joie, d'appréhension, d'inquiétude et aussi, pour certains, de doutes.

 

Le jour du départ, lui, n'est aucunement comparable. À ce moment là ce sont des chocs d'entremêlements libératoires, quelques amertumes de reconnaissance non atteinte, de cursus inachevé, le tout recouvert, pour beaucoup, de la notion du devoir accompli. Ce jour là, en principe, est souvent accompagné de signaux d'amitié de collègues, de partenaires ou de clients.

Pour d'autres c'est une bien terne journée car elle ne connaît aucune marque démonstrative particulière. C'est, un peu, pour cela que j'ai choisi, presque fortuitement, le cas d'un conducteur d'automoteur qui, ce dimanche, effectua son dernier parcours. Rien n'est plus triste que de boucler sa vie professionnelle dans l'indifférence de tous, des voyageurs qui ignorent qu'ils sont à bord du dernier convoi du conducteur, des opérateurs ferroviaires qui lui adressent, au moyen de l'ondulation de leur guidon de départ, la permissivité de rejoindre leur ultime point de destination. Ce geste rituel, ce jour là, remue les "tripes" des plus insensibles. Parfois quelques collègues avisés ont l'idée de placer quelques pétards pour les derniers tours de roue… ultime salut de pairs.  

 

Si vous trouvez que le blog s'égare avec une diversité de thèmes, hors de sa géographie naturelle, n'hésitez pas à le dire en plaçant un commentaire.

 

P.F 

 

Si vous avez aimé votre travail ou votre entreprise, voire les deux, et que vous l'ayez quittée après une carrière bien remplie, vous devez savoir imaginer quel est le sentiment qui anima Patrick Robert, ce 21 avril, après avoir remisé, au Dépôt de Bordeaux, l'automoteur qu'il conduisit pour un ultime aller et retour au Buisson.

 

Cliquez sur l'image.

 

 

 

Patrick Robert, ardennais par sa naissance, fut admis, par concours, à la S.N.C.F au début des années 80 comme apprenti. Il débuta sa carrière dans sa cité natale de Charleville. Par passion, après avoir franchi avec succès, les épreuves ad hoc, il a rejoint le corps des conducteurs. Il fut tenté par l'Aquitaine qu'il a rejointe à la fin des années 80.

 

Patrick aima profondément son métier mais une vie de conducteur, quoiqu'en disent ceux qui s'autorisent des jugements de valeur sans avoir la moindre notion du métier, c'est pénible. Croupir dans la solitude d'une cabine d'automoteur, vivre le régime des prises de service décalées et, parfois, être absent lors de certains temps forts d'une vie familiale n'est pas aussi facile que certains le croient. Il prit donc sa retraite au plus tôt en acceptant de la voir réduite d'une décote importante ; ce fut son choix. Patrick est néanmoins irrité de découvrir que deux années de sa formation sont neutralisées dans son décompte de carrière.

 

Patrick, ce 21 avril, partit de Bordeaux aux commandes du T.E.R n° 865906, autorail biénergie, pour rejoindre le petit pôle du Buisson.

Patrick, conducteur scrupuleux des textes réglementaires, comme le sont, heureusement, tous ses collègues, pointa donc la fermeture du disque * ce 21 avril pour croiser dans cette gare de Lalinde le T.E.R n° 865907.

 

Il s'offrit pour une fugitive minute le luxe de poser entre son automoteur biénergie, le n° 81841, et celui piloté par son cadet, le n° 72594, engin thermique mono-énergie.

 

Les deux conducteurs ont échangé, lors de ce passage, le traditionnel, cordial et rapide signe d'amitié que les conducteurs s'adressent à chaque rencontre mais, pour Patrick, il a été, ce jour là, plus chargé d'émotion que lors des multiples croisements effectuées au cours d'une carrière de conducteur.

 

Patrick partagera sa retraite entre Bègles, où il a fondé son dernier foyer, et ses Ardennes natales où, par passion patrimoniale et attachement nostalgique à la plaine lorraine de la  Woëvre, il a acheté un passage à niveau sur la ligne stratégique, en parfaite léthargie, Lérouville-Verdun, suivant le creuset de la Meuse.  

 

Pierre Fabre.

 

* Le disque commande au mécanicien de passer en marche à vue aussitôt que possible, et de marquer l'arrêt au premier signal ou aiguillage rencontré. Le disque n'est, principalement, utilisé que sur des lignes secondaires où les circulations sont relativement  espacées.

Le nom de disque vient de la signalisation mécanique, car ce signal se présentait alors sous la forme d'un disque rouge.

     

 


22/04/2013
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