Fongauffier-sur-Nauze

Fongauffier-sur-Nauze

L'éponyme Ferrat.

 

 

 

 

 

Il y aura trois ans, le 13 mars, que Jean Ferrat nous a quittés.

 

Cet artiste auteur-compositeur n'est pas prêt d'être oublié. Son œuvre immense ne rencontre pratiquement plus d'hostilité et la censure qui, en son temps, le barra, fait aujourd'hui figure d'une bien regrettable erreur.

 

 

 

Jean Ferrat, proche du P.C, parti auquel jamais il n'adhéra, n'a, à aucun moment -et c'est tout à fait en son honneur- fait la moindre différence entre les dictatures qui ne sont pas, hélas, toutes dans le même alignement. Camarade, en 1970, est un implacable réquisitoire contre les Soviétiques fossoyeurs du Printemps de Prague. Dix-sept ans, la même année, dénonce le sacrifice de la jeunesse au Vietnam. En 1975, Un air de liberté, attaque Jean d'Ormesson, dont un éditorial sur la chute de Saïgon avait hérissé la moustache du chanteur.

 

Plusieurs propositions ont échoué. Il y a trois ans, quelques semaines après son décès, je proposai, es qualité de citoyen, aux appareils municipaux de Monplaisant et de Sagelat de donner le nom de Jean Ferrat à la "rue" fongauffiéraine commune à Sagelat et à Monplaisant. Ce fut une fin de non recevoir unanime ; presque cinglante. Personne au sein de ces assemblées communales n'eut le moindre positionnement en faveur de cette idée. Pour écarter l'hypothèse les élus préfèrent que, s'il y a nom à retenir, ce soit celui d'une personne du pays. Le raisonnement paraît, certes, cohérent mais il pose l'interrogation de savoir s'il est normal d'avoir une rue La Boétie à Paris, une avenue Victor Hugo à Périgueux… ou un pont Mitterrand à Bordeaux.

 

 

Une deuxième tentative échoua, au cours de 2010, avec Salles-de-Belvès où Alain Maury, son maire, m'a fait l'honneur de m'inviter à une réunion du conseil municipal pour formuler une proposition, couplée, le cas échéant, avec un personnage historique salésois, du XIVème, siècle pour donner un équilibre. Le maire donnait l'impression de ne pas y être défavorable. Un élu estima que l'on pouvait décider sur le champ. Le conseil, lors de cette séance, n'était pas au complet ; un des siens était cruellement endeuillé. Je pensai, alors, qu'il serait indécent de forcer la main et estimai qu'il fallait laisser mûrir la réflexion. Elle fut défavorable mais parfaitement souveraine et démocratique.

 

 

 

Qu'il serait agréable d'entendre, repris par la foule, au pied des collines de Pech-Bracou et du Trouillol, faisant face aux reliefs couxois de La Pomarède et du Suquet, l'hymne de de la ruralité, La Montagne de Jean Ferrat,  dans la nuit du 4 août. Photo Pierre Fabre.

 

L'idée de donner le nom de Ferrat au pont dit de Siorac.  Jean Ferrat n'est peut-être jamais passé sur le pont dit de Siorac et, à ma connaissance, n'a pas eu de lien avec le Périgord.

Il n'y a absolument aucun argumentaire particulier pour nommer un ouvrage Jean Ferrat en Périgord si ce n'est que nous sommes dans un terroir qui a  largement pris place dans la Résistance. Nous devons à Jean Ferrat l'inoubliable "Nuit et brouillard"  dont le passage fut "déconseillé" par le directeur de l'O.R.T.F. Le public ne partagea pas forcément cette censure et, et l'album Nuit et brouillard obtient le prix de l'Académie Charles-Cros. N'oublions pas non plus l'album Ma France, 1969. Il contient le titre éponyme qui sera interdit d'antenne, provoquant le boycott de Jean Ferrat des plateaux de télévision. Il n'y retournera qu'en 1970 et devra patienter un an de plus pour voir la censure brisée par Yves Mourousi. Ce dernier diffusa, en 1971, un extrait de Ma France.         

 

Le pont n'a pas de nom particulier. La route qui franchit la Dordogne entre la Faval et le port de Siorac a plusieurs fois changé de numéro. La route départementale n° 11, qui reliait Périgueux et Cahors, héritage d'une voie romaine, promue route nationale 710 en 1930, départementalisée en 1973 et prenant le n° 703 lors de l'inauguration de la Voie de la Vallée, route pluri-segmentaire de Ribérac à Fumel, est celle qui, au sein de notre département, compte le plus grand nombre de lieux de mémoire, cinq, eu égard à la dernière guerre ; sept si l'on inclut ceux du tronçon commun avec l'ex R.N 89.

Rappelons que Jean Ferrat, dont la famille a connu de bien douloureux moments lors de la guerre, astreinte au port de l'Étoile jaune, était le fils d'un Juif russe naturalisé français en 1928, qui pendant la Première Guerre mondiale fut engagé volontaire et affecté comme ajusteur dans un atelier d'aviation, puis enlevé et séquestré au camp de Drancy, ensuite déporté à Auschwitz, où il sera assassiné (convoi 39 du 30 septembre 1942), dans le cadre de la Solution finale. Plus tard, Ferrat évoquera la disparition de son père dans la chanson Nul ne guérit de son enfance. Sa sœur a, elle aussi, connu les violences de la Gestapo à la Citadelle de Perpignan.

La famille de Jean Ferrat  a été hébergée  par une famille de paysans dans l'Ariège, grâce aux réseaux de résistants, dont fait partie le beau-père de Pierre Tenenbaum, Marcel Bureau.

 

 

 

Des camis ferrats à Jean Ferrat. Mon ami Jean Rigouste, dont les qualités d'expert en onomastique ne sont plus à rappeller et dont l'humour est notoire, lui, ne verrait aucune objection méritant une désapprobation. Il a l'intention de rechercher si l'itinéraire passant par le Coux et Siorac ne serait pas un des nombreux "camis ferrats". Le cami ferrat est un chemin empierré, à l'occasion un reste de voie romaine.

 

L'idée fait son chemin. Tous les élus consultés sur ce thème ont, semble-t-il, été conquis par l'idée. On trouve, parmi eux, des personnes de sensibilités différentes dont Claudine Le Barbier et Francis Dutard les deux conseillers généraux qui représentent les cantons concernés au conseil général.  Jean-Pierre Riehl, le maire de Siorac, plutôt réservé il y a quelques mois, il aurait préféré un autre espace, lotissement par exemple, en a verbalement accepté le principe. Le président de la communautés de communes Michel Rafalovic, par ailleurs maire du Coux & Bigaroque, a, également, retenu l'idée.

 

Germinal Peiro, député de la IVème circonscription, lui, s'est déclaré totalement d'accord avec l'idée et se voit parfaitement capable de la  défendre chez le président du conseil général.  Le parlementaire se dit même prêt à mettre un point de césure à ses vacances en Espagne et à venir le 4 août à Siorac-le-Coux si, pour cette date hautement symbolique,  "on" jumelait la fête du pont et son baptême républicain.

 

L'ombre au tableau. Deux personnes, dont la compétence paraît incontestable et dont l'argumentaire semble sérieux, ne se rangent pas à cette idée. Pour l'une, qui se dit passionnée par Jean Ferrat, il faudrait trouver une autre thématique et, plutôt, valoriser le travail du poète autour d'un mémorial existant. L'autre, moins réservée, ne partage pas l'idée et ne l'aurait pas promue mais ne la trouve pas inconvenante.

C'est toujours la problématique du socle de l'historicité locale prenant le pas sur le national qui interpelle. A-t-on eu tort de baptiser le pont Auriol à Paris bien qu'il ne chevauche pas le Sor de Revel ou la Garonne de Muret !

 

 

Pierre Fabre. 

 

 



05/01/2013
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