Explorer la Dordogne sur une planche à rame
Les ondes dordognaises, d'une transparence et d'une limpidité parfaites, signent la qualité du sanctuaire naturel qu'elles honorent. Photo Pierre Fabre
Les adeptes de la pirogue et ceux de la planche à rame ont une passion, ou une attirance, commune avec l'eau mais, pour ne pas irriter les seconds, il convient de dire qu'ils ne sont pas tout à fait de la même famille, tout au plus des cousins.
Pour épouser les terminologies de notre temps, il a fallu placer un anglicisme pour renommer la planche à rame. Les adeptes de ce sport-là, les pagayeurs, évoluent donc en stand up paddle, terminologie angliciste, elle nécessite autant de caractères, pour sa formulation, que la phraséologie française ; mais, celle-ci enrichit ou, plutôt, altère notre vocabulaire.
La planche à rame est reconnue sous d'autres appellations : SUP, stand up paddelboard et stand up paddelboarding et avec une note d'originalité, hoe he'e valu.
Dans une salle de conférence, si vous ne tenez pas à passer pour un demeuré, parlez plutôt du paperboard que du tableau-papier, à moins que vous acceptiez d'être ringardisés.
Puisque, pour échapper à la désuétude de l'idiome de Victor Hugo, il paraît habile de s'exprimer en truffant notre verbe d'anglicismes, revenons donc au stand up paddle. Cette discipline nautique est un sport de glisse. Il se pratique donc avec une planche et une pagaie (paddle).
On peut considérer que cette technique se perd dans la nuit des temps puisqu'elle fut initiée par les rois polynésiens sur d’immenses planches taillées dans des troncs d’arbre. Le but était d’explorer et de faire du commerce dans les lagons de leurs archipels magiques. Il a ensuite été repris dans les années 1940-50 par le célèbre champion de natation hawaïen, Duke Kahanamoku et sa bande de copains, les premiers Beach boys. Là aussi, pourquoi ne pas dire les garçons de la plage !
De la Polynésie au creuset de la Dordogne. Bruno Marty, écologue, sportif, photo-journaliste, évolue sur la planche à rame tant dans les eaux agitées de l'Océan Pacifique que sur la Dordogne. Quand il reconnaît un parcours, pour lui c'est une communion avec la nature, une observation attentive et passionnée de l'eau, de la faune qui l'habite, qui habite ses berges et donne vie au cours d'eau. C'est aussi un regard sur la flore qui émerveille toujours celles et ceux qui savent la voir et, presque, savent, avec un langage muet et déférent, lui parler. De sa planche, il perçoit les ripisylves, remparts majestueux du fleuve, carapaces aussi sensibles que nécessaires à la stabilité des berges qu'à la qualité des ondes, comme les maillons répétitifs de ses itinéraires.
Imaginer Bruno sur sa planche à rame sans son appareil photographique, serait aussi impensable que de concevoir qu'un peintre peut se passer du pinceau pour réaliser son œuvre.
À chaque retour, Bruno livre ses émotions. Elles avaient pris corps avec une rencontre inopinée avec une kyrielle de cygnes, la capture d'une proie à même le fleuve par un prédateur, l'envol de passereaux surpris, le manège de barbeaux, de goujons, et de vairons, toujours en fuite pour échapper à leurs prédateurs. Avec une chance extraordinaire, le pagayeur peut voir poindre l'arrivée surprise d'une laie conduisant ses marcassins au bord de l'eau, pour se rafraîchir et même les inviter à se rouler dans la vase d'une berge en partie asséchée.
Bruno, sur la Dordogne, découvre des lieux invisibles de la route. Il surprend des gentilhommières perchées en sentinelles fluviales. Un de ses thèmes favoris l'amène à parcourir les couasnes, ces bras d'eau variables dont la vie est soumise aux écarts fluviaux.
Tout cela n'est pas l'écoulement d'un fleuve tranquille car il y a une partie hautement sportive sur les ondes agitées où la photographie s'impose tout en continuant la progression.
C'est un peu tout cela qui comble Bruno sur sa planche à rame, qui lui donne, tour à tour, inquiétude lors de passages difficiles et une joie intense, non celle d'un dominateur mais celle d'un ami implicite et admiratif d'une force de la nature qui file vers le Bec d'Ambès, après avoir rempli bien des missions tout au long de son parcours.
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