Le devoir de mémoire amène les collégiens à Lascaux.
PAYS de BELVÈS
Charlotte Genestal, Valentine Amador et Cloé Madure. Photo Pierre Fabre
Il y a quelques semaines, le bureau local de l'A.N.A.C.R. s'interrogea sur la place que pourrait prendre les scolaires, cette année, pour la Journée nationale de la Résistance. Cette journée tombait le dimanche 27 mai et l'on ne pouvait envisager d'associer officiellement, une chorale informelle d'élèves à la manifestation comme l'a fait, répétitivement, avec brio, Marie Octobre.
L'idée d'amener les collégiens du canton à travailler sur le sujet d'un devoir sur les lieux de mémoire a été retenue. Brigitte Pistolozzi fut sollicitée pour obtenir trois places pour Lascaux, pour les expressions les plus brillantes. On avait même imaginé un binôme de correcteurs avec Christian Léothier et Dominique Desplain, pour noter les contributions.
Yves Sayegh et Isabelle Cadas, respectivement chefs d'établissements de Belvès et St Cyprien, n'ont pas vu là, une piste facile à explorer et ce fut, il faut bien l'admettre, un revers.
Les élèves ont néanmoins beaucoup travaillé sur le thème "S'engager pour libérer la France" et les enseignantes voyaient mal comment en demander davantage.
Qu'est ce qu'un lieu de mémoire. On trouve des lieux de mémoire sur tous les continents. Retenons, entre autres, les pyramides d'Égypte. Elles sont un hommage intemporel aux travaux pharaoniques de l'Antiquité. Pensons au cheminement des premiers chrétiens dans les Catacombes ou songeons, avec effroi, au bûcher de Montségur voulu par la force intolérante du catholicisme pour liquider les Cathares. La Vallée des Clercs, à Estrées-lès-Crécy, est, aujourd'hui, le lieu de mémoire oublié. Dans cette ruralité du Ponthieu, le 26 août 1346, Édouard III défit la résistance impuissante des cavaliers français de Philippe VI de Valois, humiliés face aux fantassins britanniques. Plus tard, le site de Choquequirao, haut lieu de la résistance aux conquistadors, devint un des lieux de mémoire de cette agression menée au nom de la civilisation. Le XXème siècle, hélas, ne manqua pas les impensables, insupportables, inadmissibles et stupides rendez-vous brutaux de ces "éclaireurs" de la civilisation. La couronne d'Angleterre s'est inscrite dans cette barbarie, entre autres, avec son hégémonie sur l'Irlande où la ville martyre de Drogheda est un repère de cette cruauté insensée. De l'autre coté des Pyrénées, peut-on oublier le massacre de Guernica ? Relativement proche de nous, la tâche indélébile des goulags où l'on écrasait les non-alignés du stalinisme, a accentué la trop longue liste des lieux tragiques à ne pas chasser de nos mémoires. Tout aussi indélébile, mais bien plus atroce et plus grave encore, tant de localités ont eu le triste "privilège" de devenir lieux de mémoire et Oradour, hélas, trois fois hélas, n'est pas la seule !
Les lieux de mémoire peuvent, aussi, être tout simplement une reconnaissance du génie humain. Prenons l'exemple de la place des Cordeliers à Annonay, d'où s'est échappé, le 4 juin 1783, le premier vol officiel du ballon à air chaud des frères Montgolfier. Les manufactures, Manufacture d'Aubusson ou des Gobelins, certains ateliers et, localement, la filature du Val de Nauze, incarnent des lieux de mémoire d'un savoir-faire et d'une technicité à préserver.
Les lieux de mémoire se perdent dans la nuit des temps. S'il est courant d'admettre que Mauthausen, Guantánamo, le Vel d'Hiv, le Mont Valérien ou Oradour sont des lieux de mémoire, il apparaît beaucoup plus inhabituel de fouiller dans la protohistoire, voire de la préhistoire, pour définir des lieux de mémoire.
De talentueux chercheurs, des hommes d'exception comme l'Abbé Breuilh, ont fait que les lieux de mémoire dépassent -et de loin- l'histoire. C'est un peu pour cela que l'A.N.A.C.R. a souhaité que les élèves primés aient une récompense les amenant à Lascaux. Lascaux, c'est un immense chantier de notre Périgord qui éclaire sur le génie créatif de nos lointains ancêtres. Que faisaient-ils dans cette caverne ? S'acheminaient-ils dans un "temple" pour affirmer un concept cultuel incarnant leur vue d'ensemble de la nature qu'ils connaissaient. Faisaient-ils, là, simplement, un travail artistique à l'abri des regards ? Beaucoup d'hypothèses, mais aucune certitude.
Manifestement, la magnificence sculpturale pariétale s'érige en lieu de mémoire pour nos lointains ancêtres, elle n'est pas, bien entendu, une exclusivité hexagonale, n'oublions pas celles qui nous sont connues, comme Altamira, mais aussi les autres qui restent à approcher. C'est dans cet esprit que la "chapelle Sixtine de l'art pariétal", selon l'expression attribuée à Henri Breuilh qui l'appelait, aussi, le "Versailles de la Préhistoire", à notre humble sens, semblait être un lieu de pèlerinage laïque idéal pour des collégiens de notre bassin de vie.
On peut estimer que l'écart de filiation qui nous sépare de nos lointains ancêtres de Lascaux, est entre 500 et 1 000 générations. Ce n'est pas grand chose dans l'histoire de l'humanité.
Charlotte Genestal, Valentine Amador et Cloé Madure, après une délicate et objective estimation globale et individuelle des travaux sur "le sentier de la mémoire" ont été désignées par Marie-Claire Dardevet et Catherine Chastrusse, lauréates de l'épreuve. Nul ne doute qu'elles trouveront dans ce site d'exception qu'est Lascaux, non pas un aboutissement mais un encouragement à s'investir sur ce thème douloureux, mais ô combien passionnant, du devoir de mémoire.
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