Le feuilleton persistant de la réouverture de la ligne de Villeneuve.
Hommage à nos démolisseurs.
Ils ont bien travaillé !
Depuis quatre-vingts ans les démolisseurs de patrimoine s'en donnent à cœur joie.
Ces adeptes du cassage n'ont pas d'achèvements privilégiés mais, toutefois, on peut noter que leurs efforts s'avèrent hautement performants dans plusieurs domaines, le massacre des chemins ruraux, souvent avec la complicité, voire la bénédiction ou, plus fort encore, l'incitation de certains exécutifs municipaux, le saccage du rivage maritime et des berges de cours d'eau, pour favoriser une poignée de "privilégiés", et un sport national, où nos décideurs ont obtenu le prix d'excellence : le dépouillement et le démantèlement de l'outil ferroviaire.
La gare de Villeneuve, aujourd'hui, devenue pôle emploi.
Quand l'achèvement du premier tissu ferroviaire se terminait, vers 1930, on commençait, à l'emporte pièce, de défaire une œuvre extraordinaire. Ainsi, sacrifiés sur l'autel des caprices de la modernité et de son corollaire le rationalisme comptable, fut taillée en pièce la toile d'araignée des chemins de fer secondaires ; véritable chef d'œuvre d'un maillage rural.
On voyait ainsi périr des segments au rendement plus que discutable dont Sarlat-Villefranche-du-Prg par les vallées de la Lousse et du Céou que nos aînés appelaient par dépréciation le "tacot".
Premier grand axe de notre voisinage à tomber sous les fourches caudines de ce démantèlement la ligne Tonneins-Capdenac. Cette ligne épousait la vallée du Lot, desservait les gros bourgs de Clairac et Ste Livrade, donnait une importance économique à Villeneuve-sur-Lot, rejoignait à Penne la radiale Paris-Tarbes, faisait tronc commun jusqu'à Monsempron, puis, au gré du creuset du Lot, repartait vers le Quercy et le Rouergue en sectionnant, au passage, la grande artère à Cahors.
Cette ligne, dont l'achèvement s'obtint au bout de plusieurs phases, avait quelques inconvénients. Elle était partout une greffe sur des lignes plus importantes et il fallait, à Penne, rebrousser pour poursuivre sa progression. Notons que ces évolutions changeant de sens étaient –et sont- courantes ; ainsi on doit changer trois fois de sens entre Bordeaux et Lyon, Périgueux, St Sulpice et Gannat et également trois fois entre Hendaye et la Côte d'Azur, Bayonne, Toulouse et Marseille. Si de nos jours, grâce aux engins réversibles, cette opération est rapide et peu contraignante il n'en était pas de même lors de la traction vapeur avec le passage obligé sur une plaque tournante. La ligne avait, notamment, entre Monsempron et Capdenac, une kyrielle d'ouvrages, dont certains étaient superbes. Ils faisaient que sa maintenance coûtait beaucoup trop.
Cette ligne a joué un rôle important pour l'approvisionnement du pôle industriel de Fumel jusqu'aux années 70.
Villeneuve, pôle urbain à résonance agricole limitée en Périgord. La vieille bastide de Villeneuve, confortablement assise sur les berges du Lot, a attiré vers elle, au cours du XXème le négoce du sud du Périgord jusqu'au Val de Nauze. Au-delà Villeneuve n'avait quasiment plus de répercussion. Cité au rayonnement agricole avéré Villeneuve, grâce à la douceur de son climat, se donnait un rôle qui marquait dans le domaine des vergers, la prune dite d'ente est en réalité villeneuvoise, du maraîchage et de l'horticulture.
On notera que le Villeneuvois, notamment dans la vallée de la Lémance, avait quelques atouts artisanaux et industriels qui surpassaient largement ceux du sud du Périgord.
Le T.G.V a mis Agen à 4 heures de Paris. Dans quelques années Agen pourrait-être à 3 heures de la Côte d'Azur.
La grande vitesse pierre d'achoppement. Si la nécessité de "formater" un réseau à grande vitesse est apparu au cours du XXème siècle, non par rationalisme mais parce que, signe des temps, il faudrait atténuer le gâchis terrible, au niveau de l'écologie, que provoque les transports aériens, la difficulté est de réduire deux obstacles gigantesques. Le financement, certains pensent que la perte du triple A le rende encore plus aléatoire, n'apparaît pas simple et les résistances locales liées aux oppositions de tracés contrarient beaucoup son arrivée.
Les études et les hypothèses n'ont pas manqué et tant que le chantier ne sera pas bouclé il paraît toujours permis de penser que les copies les plus bétonnées et validées pourront, pour répondre aux ascendances, aux puissances et aux oppositions du moment, être remises en cause en sachant que l'intérêt général n'aura que bien peu de chose à voir dans la décision finale. Souvenons nous du tracé du T.G.V Nord. Il existait deux itinéraires virtuels ; un court, par Amiens, qui à l'époque n'avait pas encore su se débarrasser de René Lamps, son maire P.C, aussi respectable que remarquable dans sa discrétion militante, et un plus long, d'environ 80 Km, passant par Lille qui avait pour premier magistrat le premier ministre de 1981.
Les minutes, aussi précieuses soient-elles, dans une recherche de grande vitesse n'ont pas pesé lourd face au "poids lourd" du premier ministre.
Paris et Londres ont, dans le sacrifice de l'intérêt général, perdu environ 15 à 20 minutes pour le plus grand plaisir des adversaires du chemin de fer.
Où passera la L.G.V en terre agenaise ? C'est certainement une grande question mais bien prétentieuse serait la personne qui donnerait la réponse. Tant de choses peuvent survenir d'ici là et même, peut-être, plusieurs changements de majorité. La gare actuelle sera-t-elle rénovée pour accueillir la grande vitesse où verrons nous une gare nouvelle hors agglomération.
Un point est cependant à relever ces gares nouvelles, hors tissu urbain, que d'aucuns voyaient venir comme une réussite harmonieuse de connexion, pour le moins, n'ont pas trouvé un succès considérable.
Les citadins aiment leur gare blottie au cœur de leur ville. Que ce soit au XIXème ou au XXème les solutions à l'écart n'ont pas suscité d'engouement ; citons Les Aubrais, pour Orléans, St Pierre pour Tours, Saincaize, pour Nevers, ou Longueau pour Amiens… Les succès relatifs de Capdenac, pour Figeac, ou de Laroche-Migennes, pour Joigny, relèvent presque de l'anecdote.
Un vieil adage dit que "les petits ruisseaux font les grandes rivières". Les T.E.R donnent aux T.G.V une complémentarité qu'il faudrait renforcer.
Le feuilleton de la réouverture de la ligne de Villeneuve se poursuit. Villeneuve aurait pu être une grande gare si elle avait été sur une radiale reliant Périgueux à Agen par Bergerac. Quand les projets de multiplications de lignes, au XIXème, prenaient corps, tout comme aujourd'hui, les puissants cherchaient à voir le chemin de fer les approcher ou, pour des raisons opposées, cherchaient à l'envoyer le plus loin possible… au diable.
Ainsi St Cernin, tout comme la cité bourguignonne de Joigny, refusa une gare pour ne pas troubler la quiétude de son village, Siorac repoussa la plateforme qui échut au Buisson.
Villeneuve, bien placée au bord du Lot, a accueilli le chemin de fer mais avec toute la dévaluation d'une transversale secondaire. Si la ligne est arrivée par étapes successives son démantèlement fut, aussi, progressif. L'important était de démanteler. On a donc commencé par mutiler un segment entre Tonneins et Ste Livrade puis entre Ste Livrade et Villeneuve et enfin on a livré les derniers huit kilomètres aux forces de la nature en prenant bien soin de s'assurer de l'irréversibilité de ce saccage en vendant l'assiette de la ligne au cœur de la ville pour éviter une velléité de reprise.
Pour redonner vie à cette ligne il faudrait implanter une gare à l'extérieur de la cité, à environ 3 Km du centre ville ce qui entraînerait nécessairement une approche routière minimum. Si l'on peut estimer, dans un délire d'optimisme, un temps de trajet ferroviaire de l'ordre de 28 à 30 minutes, pour rallier les deux premières cités lot & garonnaise, avec cette approche routière, on peut considérer que l'on se situerait quasiment à une équivalence de temps de trajet en additionnant les deux modes. Une bonne connexion routière, de transport en commun peri-urbain Villeneuve-Penne, serait sans doute plus cohérente pour les contribuables.
La plus grosse inadéquation serait, dans l'hypothèse où la L.G.V éviterait Agen-Ville, d'avoir une autre rupture de charge entre Agen-centre et Agen L.G.V.
Et Périgueux-Agen dans tout cela ? La vitalité de la ligne transversale gagnerait, certes, à être connectée directement, par fer, à la future probable gare L.G.V d'Agen. Si pour des raisons économiques de coût on devait accéder à ce point L.G.V, par étapes, on se trouverait dans une situation similaire à ces localités de Lorraine que le T.G.V a défavorisé et en temps de trajet et, surtout, en coût de billetterie. Il faut plus longtemps, avec une billetterie plus coûteuse, à l'heure du T.G.V, pour aller de Toul à Paris qu'il y a 50 ans.
Fallait-il garder la toile d'araignée du plan Freycinet qui voulait que chaque chef lieu d'arrondissement soit atteint par chemin de fer ? Ce plan, plus politique qu'économique, manquait certainement beaucoup de pragmatisme. Etait-il raisonnable d'atteindre Florac ou Boussac ? La sauvegarde, au minimum, des assiettes aurait cependant du être assurée.
Quand on a construit la ligne nouvelle du T.G.V Atlantique on a été bien content de constater qu'une ligne obsolète avait échappé à l'ultime reddition du patrimoine. |
P.F
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