Les repas de quartier sont des phénomènes sociétaux.
Nos aînés avaient toute la place qui leur revenait de droit ; la place d'honneur.
Un constat affligeant. Dans notre ruralité nos grands parents connaissaient tous leurs voisins. Ils savaient même ce que devenaient les enfants des uns et des autres. C'était peut-être même, parfois, un peu excessif. D'aucuns ont voulu se soustraire à cette sociabilité arguant que la vie privée a des paramètres qu'il est bon de respecter. Cette désintégration des liens de voisinage a filé vite, très vite, et les relations de voisinage de nos campagnes ont très rapidement sombré dans l'indifférence comparable à celles des liens de résidents d'immeubles urbains. "On" a attribué ce revers de la sociabilité aux moyens modernes de déplacement, les automobiles ne se prêtent pas aux bavardages que l'on avait, jadis, sur les chemins du marché ou, pour certains, de l'office dominical. La télévision, outil de communication généralisé, a anéanti les liens tissés autour des salles de cinéma des villages. Derniers nés, dans cette déstabilisation des contacts, les moyens informatiques qui ont réussi à décomposer le commerce et même à supplanter le téléphone traditionnel écrasé par une messagerie de substitution. On ne va plus à la poste pour envoyer un mandat quand de son P.C on peut, gratuitement, apurer sa créance.
Jacques tu ne pouvais pas tenter de draguer la charmante personne qui était en face de toi. Primo tu n'avais aucune chance, secundo ta Marie-Jo était trop près, tertio son mari était à côté.
Les migrations phénomènes sociétaux inévitables. Que l'on apprécie ou que l'on le déplore les migrations sont des transferts qui remontent aux origines de l'humanité. Sans parler de ces africains, nos ancêtres, qui sont partis vers l'Europe, il y a plusieurs dizaines de milliers d'années, rappelons nous que notre capitale est l'assemblage de nos provinces. Au XIXème siècle ce sont des milliers de maçons qui sont partis de la Creuse recomposer Paris que Haussmann bouleversa. St Denis, banlieue ouvrière aux portes septentrionales de Paris, fut la cité la plus bretonne du Parisis et, plus proche de nous, Libourne est la ville girondine la plus pénétrée par l'apport du Bas Limousin grâce à l'ancienne vie fluviale de la Dordogne.
La table des pièces rapportées où l'on trouve un Aurillacois qui tourne le dos, des Allassois et des Franciliens.
La mobilité de la population. Au début du siècle dernier seuls les plus riches avaient plusieurs résidences. L'exode rural, qui a engendré un transfert de population des campagnes vers les villes, et, pratiquement, a pillé la ruralité de sa matrice ancestrale, a fait que de nombreux citadins sont désormais en quête de recherche identitaire ou, tout simplement, d'un pied à terre à la campagne. Au moins pour la haute saison ce besoin de se ressourcer a redonné une vie à ces villages que les vicissitudes de notre siècle précipitaient vers l'abandon. Les riches, jadis, avaient un pavillon de chasse ou une maison proche de l'eau. Les plus humbles de la cité phocéenne ont planté des cabanons, souvent en marge de la légalité de l'urbanisme, dans les interstices des calanques méditerranéennes, et dans notre Périgord, aujourd'hui, certains ont dressé des palombières où l'architecture et le confort abandonnent, progressivement, l'ascétisme spartiate le plus rustique.
Qu'il fait bon un soir de canicule au bord de la Nauze !
Une convivialité recherchée. Marie-Claude et Christian Bouyssou ne sont pas tout à fait des Fongauffiérains de souche mais ils animent la vie de quartier de la manière la plus affirmée qu'il soit. Aidés par quelques amis qui, eux non plus, n'ont pas d'enracinement intergénérationnel dans le village ils ont dressé une table en L pour accueillir, le 24 juillet, les Fongauffiérains de toujours et les Fongauffiérains de cœur. On trouvait là, autour de ce pivot convivial, des résidents d'horizons différents et, comme à la plage ou dans une cordée montagnarde, les stupides barrières sociales étaient éradiquées. Chacune et chacun avaient apporté des ingrédients pour donner à ce dîner privé sur les bords de la Nauze sa forme communautaire.
Pourtant que la montagne est belle...
Christian à Allas-les-Mines, pour ses 60 ans, le 25 juin dernier.
Une fin presque casuelle en chanson. Tout le monde s'y attendait un peu. À la fin du repas Christian, un admirateur inconditionnel du très regretté Jean Ferrat, a chanté l'hymne de la ruralité repris en cœur par de nombreux convives. La Montagne, ce soir du 24 juillet, par la voix de Christian descendait dans le Val de Nauze. Elle réunissait, si l'on savait l'entendre, le chuchotis de la Volane, rivière du Vivarais, au bruissement de notre Nauze.
Marie-Claude, on l'appelle aussi Maryse, et Christian ont accueilli leurs amis et voisins ce 24 juillet. Ils sont, depuis des années, des acteurs de la Troupe de Sagelat. En 2010 ils ont interprété avec brio des rôles dans "Les dix petits nègres".
Maryse s'est occupée à merveille de la réception de ses hôtes.
D'autres petites envolées ont, dans un pot pourri, rassemblé les voix des convives avant que la nuit, sous la voûte d'une Voie lactée parfaitement dégagée, ne reconduise chacune et chacun chez soi. On notera que Marie-Claude, en parfaite maîtresse de maison, a tenu à raccompagner à leurs domiciles les plus âgés des aînés de cette agréable soirée.
Texte et photos Pierre Fabre.
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