Gilles Heyraud, sans tabou, a abordé des thèmes sociétaux qui font débat.
Gilles Heyraud, au hasard des affectations pédagogiques de son géniteur, naquit sur les berges de la Gartempe, dans la vieille cité poitevine de Montmorillon, le 1er juillet 1958. Ce colonel à la retraite, a choisi Belvès, où il siège au conseil municipal depuis mars dernier, pour se ressourcer dans une cité qui fut, après Bouillac, celle de ses aïeux paternels. Il s'investit sur le thème du devoir de mémoire et sur l'historicité des conflits. |
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Gilles Heyraud anima le 11 avril une conférence sur les débuts de
De cette épopée terrible on a tiré l'expression "la fleur au fusil". Bien vite ces malheureux se sont rendus à l'évidence. Ils ont connu une des pages des plus noires de l'histoire de l'humanité.
Gilles Heyraud a su captiver un premier auditoire. Nul ne doute que dans quelques mois ses prochaines conférences intéresseront celles et ceux qui savent que "Celui qui ne connaît pas l'histoire est condamné à la revivre." [Karl Marx].
Cet ancien délégué militaire départemental de la Somme, officier supérieur qui reçut, pour ses travaux contre l'illettrisme, les palmes académiques en novembre dernier (cf blog du 26 novembre 2015) jette toujours un regard sur l'enfance et la jeunesse. Il va à la rencontre des élèves dans les établissements scolaires tant du primaire que du secondaire. Il participe naturellement aux cérémonies commémoratives des dates historiques qui ont endeuillé notre bassin de vie ainsi qu'à celles qui sont de portée générale. On l'a vu au Canadier le 14 mars et coordonner la cérémonie du 19 mars à Belvès.
1. Officier supérieur à la retraite, d'un humanisme reconnu, issu d'une famille modeste et républicaine, vous vous investissez dans le devoir de mémoire. C'est, certes, plus que respectable mais, de nos jours, le devoir de mémoire n'impacte la population qu'à la marge. Pensez-vous que cela soit irréversible.
Aucun phénomène social ou culturel n'est totalement irréversible. Par contre, la notion de "devoir de mémoire" contient un paradoxe qui - me semble-t-il - le rend difficile à mettre en œuvre. En effet, le mot devoir sous-entend un principe d'obligation qui "passe" mal auprès des jeunes qui ne comprennent pas forcément ce concept ; c'est qu'il s'agit d'abord d'une idée d'historien avec des sous-entendus et des partis pris culturels mais aussi politiques pas toujours clairs. On constate ainsi une volonté actuelle de célébration obligatoire de certains événements du passé, mise en avant par les responsables politiques (cf. lettre de Guy Moquet avec N. Sarkozy en 2012) qui relève des meilleurs sentiments, mais qui a été pratiquée aussi par des régimes autoritaires (URSS et Grande Guerre Patriotique, l’Algérie et FLN) pour occulter les difficultés et les incohérences du présent… Ce "devoir de mémoire est par ailleurs souvent lié aujourd’hui à la notion de repentance (Shoah, esclavage, colonialisme). Je pense dans ce cadre, qu'il présente un risque : une lecture du passé à l’aune de préoccupations très (trop?) actuelles (contexte de la demande) avec une falsification des valeurs et un gauchissement possible de la perception des faits transmis. Il n’empêche que, quelle que soit la formule retenue, il faut transmettre la connaissance la plus objective possible (à partir de documents et de témoignages incontestables) de notre histoire récente, car c'est elle qui pose le plus souvent problème : la 2° Guerre mondiale avec la Résistance et le pétainisme, les guerres de décolonisation avec l'Indochine, l'Algérie, nos interventions récentes en Afrique... La 1° guerre mondiale fait plus consensus, mais il faut là aussi éviter une relecture trop actuelle avec les notions trop convenues de "boucherie" ou de jugements militaires arbitraires (mutineries et fusillés), car n'oublions pas qu'il y eu toujours - dans la France républicaine en guerre - un droit de regard de l'Assemblée sur les affaires militaires pendant toute ce conflit.
2. La lointaine, mais bien proche au niveau de l'Histoire, Guerre de 14/18, par l'ampleur de ses pertes humaines, a marqué nos aînés. Il y a une trentaine d'années certains pensaient qu'après la disparition de la génération des poilus on devrait, plutôt, se focaliser vers une journée unique du souvenir. Pensez-vous que cette idée était dévastatrice au regard de notre histoire.
Le principe de "Mémorial Day" a l'instar de nos alliés était une bonne idée, malheureusement les Gaulois adorent la variété et si, collectivement et politiquement, cela semblait jouable, le gouvernement s'est rapidement heurté aux "mémoires" particulières et les Anciens combattants, Résistants et Déportés, toujours très vigilants et
attentifs au maintien du souvenir de leurs sacrifices, se sont battus pour conserver "leurs" dates. C'est la cas, par exemple, de l'Algérie avec l'instauration (d'ailleurs discutée) du 19 mars, alors que le président Chirac avait institué le 5 décembre comme date de ralliement pour cette mémoire encore très vive ... et toujours polémique. Donc non seulement on n'a pas établi de journée unique du souvenir, mais on en a rajouté une nouvelle. Avec d'ailleurs la possibilité d'une confusion pour les plus jeunes qui peinent à comprendre cette inflation du Souvenir, et surtout un risque de lassitude avec ce trop plein de commémorations. C'est le propre d'une vielle nation d'avoir une histoire longue et chargée. Pour accompagner véritablement ces actions de mémoire il faut, je pense, à l'instar de nos amis britanniques entretenir beaucoup plus activement l'hommage aux vétérans d'hier et d'aujourd'hui ; or, malheureusement, ce n'est pas inscrit dans nos gènes français et nous sommes très loin de la ferveur patriotique qui anime encore les célébrations anglaises, australiennes ou canadiennes (pour ne citer qu'elles) auxquelles j'ai pu être associé et où les plus jeunes prennent une part très active dans la participation et l'animation des cérémonies du souvenir (Anzac Day) avec, entre autres, la distribution et le port des Poppies sans aucune mesure avec nos Bleuets.
La section du C.I.I.S.S n° 6, Hôpital militaire d'instruction Gamma, Toul en 1964. de l'aspirant Herbert Mischler. Dans une autre vie Herbert Mischler est devenu le révérend-père, en Alsace, à DUTTLENHEIM .
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3. Jacques Chirac a mis en veille l'armée de conscription. Cette vieille notion était, cependant, un pan de notre histoire portant une notion "d'égalitarisme approximatif". Ainsi les nantis, comme les plus humbles, n'échappaient pas aux servitudes militaires. Le service national, certes, loin d'être positif dans tous les domaines, inculquait cependant des notions élémentaires qui, aujourd'hui, ont disparu. Sans rentrer dans la caricature et dans les poncifs ringards tous les jeunes gens ont du faire leur lit au carré. L'Homme du 18 juin aspirait à une armée de métier. Selon-vous la perte de la conscription n'est-elle pas un échec sociétal ?
La suspension du Service National obligatoire fut d'abord un choix politique et stratégique qui répondait aux besoins opérationnels et aux contraintes budgétaires de l'époque. Le Service National coûtait cher et ne "rapportait" rien en termes politiques et opérationnels ; la fin de la Guerre froide (1989) a apporté l'exigence des fameux "dividendes" de la paix, mais surtout la Guerre du Golfe (1990-1991) a largement démontré - avec une armée de conscription non projetable - l’extrême difficulté pour recruter et envoyer un corps expéditionnaire opérationnel aux cotés de nos Alliés. Aujourd'hui nous sommes capables non seulement de participer aux coalitions mais de monter et de commander des opérations lourdes (cf. Cote d'Ivoire, Soudan ou Mali) et efficientes. L'argent qui était auparavant consommé pour équiper (mal) nos conscrits est actuellement entièrement dévolu aux nouveaux - et coûteux - équipements qui nous permettent de nous aligner efficacement et sans rougir aux cotés des Américains, comme ce fut le cas en Afghanistan. La fin de la conscription était le prix à payer pour conserver nos capacités stratégiques et tenir notre rang de membre permanent du Conseil de sécurité sur la scène internationale... Par ailleurs, on commence seulement depuis quelques années à mesurer la perte, en termes sociaux et sociétaux, des valeurs et des comportements que le SN permettait de préserver malgré l'aspect un peu inégalitaire qu'il revêtait à la fin des années 90. Du coup, les responsables politiques se creusent la tête pour trouver des substituts viables (et finançables) auprès de notre jeunesse. Un constat : les quelques 800 000 jeunes qui suivent (très passivement d'ailleurs) les Journées Défense et Citoyenneté chaque année n'en retirent visiblement rien si ce n'est le certificat qui leur permet de passer le bac et le permis de conduire... Le service civique est une piste prometteuse mais, là encore, la volonté politique doit être accompagnée de moyens financiers conséquents ; ce qui n'est pas encore le cas malgré quelques avancées et promesses non encore suivies d'effets.
4. Nos aînés ont longtemps véhiculé des poncifs tels que "chercher à comprendre c'est commencer à désobéir" ou vécu des situations de bizutages, d'une stupidité puissance X, tels que d'aller au garage s'enquérir du seau de moutarde, aller chercher la masse pour enfoncer le poteau d'incendie, prendre une allumette pour mesurer avec exactitude la largeur de pont de
5. Notre pays qui se veut comptable de la rédaction des Droits de l'Homme et du Citoyen n'a pas toujours été exemplaire à ce niveau-là. Pensons aux malheureux fusillés pour l'exemple et aux indépendantistes qui ont connu la torture. Ces pages terribles, voire terrifiantes, nous les traînons comme un boulet. La force publique heureusement a su retrouver une certaine noblesse, notamment en janvier, en faisant courageusement face au redoutable fléau du terrorisme le plus obtus et dévastateur. Nos gendarmes apportent bien souvent, trop souvent, leur vie pour la collectivité.
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