Les bouilleurs de cru ont disparu.
Dans notre ruralité profonde les exploitants agricoles d'antan jouissaient du "privilège républicain" de bouilleurs de cru.
Beaucoup de personnes pensent, à tort, que le bouilleur de cru est, ou était, le personnage haut en couleurs qui parcourt ou parcourait les villages pour distiller, le marc de raisin et autres moutures, lors de la saison froide. Ce personnage s'appelle le distillateur ambulant. Il est en voie de disparition. Les parcelles de vigne éparses, elles, ont pratiquement toutes été réaffectées et, par voie de conséquence, il n'y a plus de récolte à distiller.
André Rivère, un distillateur ambulant pyrénéen, du Couserans. Photo Serge Derruder.
Merci à Serge, de Script Adour, pour son autorisation.
Ces bouilleurs de cru avaient donc le droit d'obtenir de l'alcool par distillation pour leurs besoins familiaux. Cette distillation ne pouvait excéder, par famille, l'équivalent de 1 000° soit environ 20 litres à 50°. Ce particularisme fiscal était, jusqu'en 1960, transmissible à l'héritier qui prenait le relais.
On notera que l'alcool se mesurait qualitativement. Le premier mouvement de distillation donnait de l'eau de vie oscillant autour de 70° et la deuxième manœuvre se situait entre 40 et 50 °.
Les jeunes bouilleurs de cru de 1960, aujourd'hui, sont devenus de respectables grands pères et tous, au minimum septuagénaires, ont pris la retraite.
Autrefois le passage du distillateur ambulant constituait une attraction. On disait, en occitan, "L'alambic* es pel comunal"; ce qui voulait dire "L'alambic est sur le communal**". Le communal était le petit espace public fongauffiérain bordant la Nauze. On veillait, autant que faire se peut, à implanter, à distance, des observateurs qui devaient se manifester lors de la venue de trouble-fêtes qui, très légalement, auraient pu s'intéresser au volume distillé.
Les distillateurs ambulants et les bouilleurs de cru, jadis, s'affranchissaient souvent des quotas et s'exposaient, de temps à autres, aux foudres du contrôleur des contributions indirectes. Débonnaire ce fonctionnaire, conscient de l'impact des traditions rurales, bien souvent, savait fermer les yeux. Nos aînés avaient, certes, parfois des problèmes avec les autorités, pour quelques irrégularités, mais il faut bien reconnaître que ces "sports de détournements fiscaux" bénéficiaient, souvent, de complicité tacite. Les gendarmes ruraux, qui, pour beaucoup, étaient eux-mêmes fils de paysans, ont bien souvent fait semblant d'ignorer que des charrettes chargées de fagots transportaient, aussi, des barriques de vin dissimulées pour lesquelles le paysan avait oublié de payer la taxe.
Il reste de rarissimes distillateurs ambulants et si, par chance, vous apercevez un chantier de distillation ambulant dans un village n'hésitez pas à observer et, si vous le pouvez, à filmer ces gestes ancestraux car demain il sera trop tard.
* L'alambic, nom masculin, il ne change pas de genre en occitan, souvent à tort, pour d'obscures raisons, était féminisé.
Les premières descriptions de l'alambic sont attribuées aux Perses aux alentours du IXème siècle avec Al-Razi dans son "Livre des Secrets"[1]. Abu Al-Qasim (Aboulcassis), le décrit également au XIème siècle. Mais le principe existait déjà bien avant, et les Grecs et les Thraces le connaissaient. Le mot alambic vient d'ailleurs de l'arabe al 'inbïq, lui-même emprunté au grec tardif ambix (= vase). On aurait même retrouvé des traces de l'invention de l'alambic par les Égyptiens et en Mésopotamie vers 3500 ans avant J.C. L'alambic fut d'abord utilisé pour fabriquer des parfums, de l'essence ou des médicaments, avant de permettre la production d'eaux-de-vie par distillation de jus de fruits fermentés.
Source Wikipédia.
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** Le communal était le tout petit espace, au fond du village, qui bordait la Nauze. D'adjectif qualificatif l'attribut de communal était promu au niveau du nom. Pour distiller il fallait du bois pour chauffer l'alambic mais il fallait aussi de l'eau ; c'est pour cela que les ateliers se plaçaient, en général, autour des fontaines.
Pierre Fabre.
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Les anciennes mesures de notre ruralité locale. Ricampleu, Péselo et le juge sont attendus à St Amand. Le Colombier un hameau bien antérieur à la Révolution. Le conciliateur, un personnage mal connu. "Les gouyats de la Nauze" iront à Villefranche pour le Téléthon. Le feuilleton persistant de la réouverture de la voie ferrée de Villeneuve. La carte communale monplaisanaise avance.
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