Où est passé le collège d'antan !
Fabrice Quignon, principal, et Luc Czepanick, principal-adjoint, ont pour mission de manager le Collège Pierre Fanlac de Belvès. Cet établissement secondaire accueille 450 élèves. L'effectif accuse un fléchissement certain puisqu'il perd deux classes de sixième. Ce niveau compte 85 collégiens pour 115 l'an dernier.
Notons que Belvès s'appuie sur un longue histoire de l'enseignement secondaire et, si le chiffre global accuse un recul, beaucoup de localités de l'importance de Belvès s'accommoderaient d'un niveau comparable.
Pour mémoire rappelons qu'en 1956, dernière année où il n'y avait qu'une classe par niveau, il y avait environ 200 élèves, de la sixième à la première, dont 80 jeunes filles à l'ancien cours complémentaire. La résonance de Belvès dépassait plus que largement son secteur naturel. On voyait poindre sur les bancs des élèves venant de l'Agenais, de Sarlat, de Ste Foy-la-Grande et même de Périgueux. Les familles motorisées n'étaient pas majoritaires ; on covoiturait beaucoup. Les Sioracois et ceux du tissu rural rural adjacent venaient à bicyclette. Bon nombre d'élèves arrivaient, le lundi matin, au deux omnibus, entre 7 h 40 et 8 h 45, pour repartir le samedi soir vers 20 h.
Un castrum pédagogique. Belvès, cité riche d'une longue histoire, depuis son époque florissante à la charnière du Moyen-Âge et de la Renaissance, est une cité où l'enseignement occupe le haut du pavé. L'enseignement de nos jours, heureusement, ouvert à tous, n'a plus son empreinte religieuse imposée et les institutions républicaines, depuis 1881, s'efforcent d'accompagner ses futurs citoyens depuis l'accueil des maternelles jusqu'aux amphithéâtres des universités.
Belvès s'enorgueillissait, au début du siècle précédent, d'avoir son E.P.S; école primaire supérieure. Cette vénérable école, l'ancêtre du collège moderne, préparait ses élèves au brevet élémentaire, puis au brevet supérieur. Que les jeunes ne sourient pas sur la modestie apparente de ces diplômes car certains bacheliers de notre temps pourraient, avec humilité, découvrir qu'ils enchâssaient un volume de connaissances aussi divers que considérable.
Ne radotons pas l'enseignement contemporain ne recule pas, comme d'aucuns le disent sans en mesurer le propos. Il n'épouse pas le même itinéraire. On ne se base plus, pour l'admission au collège, de la règle cinq fautes égalent zéro. Bien peu d'élèves savent, mais à quoi bon, que St Lô est Chaumont sont les chefs-lieux de la Manche et de la Haute-Marne mais tous, espérons le, maîtrisent, en troisième, le théorème de Pythagore, perçoivent les balbutiements de l'informatique et approchent les avancées technologiques de leur génération. Chaque postérité avance à son régime et vouloir comparer l'antique certificat d'études au brevet des collèges de ce siècle serait aussi inadapté que de vouloir comparer un permis de conduire V.L à un C.A.P de mécanicien de 1950.
Belvès donc, au XXème siècle, transforma son E.P.S en collège moderne, pour les jeunes gens, et en cours complémentaire, pour les jeunes filles. Quand la mixité intervint, au cœur des années 60, le collège prit, pour quelques années, la noblesse du lycée ; rang qu'il confirmait puisque les classes mixtes de seconde et de première existaient déjà.
Que de chemins parcourus ! Nous sommes loin, bien loin de l'époque des plus anciens qui se souviennent de leur scolarité dans ces vieux murs. Il y avait, alors, environ ¼ d'externes, ¼ de demi-pensionnaires et l'autre moitié était constituée d'internes. Leur sort était le plus difficile à vivre car si les résultats ne suivaient pas une courbe conforme aux attentes du principal c'était la retenue du dimanche au collège. Ne parlons pas de mesures coercitives du directeur qui, aujourd'hui, feraient hurler.
Un certain adoucissement s'est fait voir avec la rentrée de 1956 et l'on se trouvait là à la limite d'une éducation rigoureuse, certes, mais atténuée où l'humanisme secouait fortement les portes du vénérable collège. Les retenues devenaient plus acceptables et la méthode d'un professeur, brillantissime par sa culture, il se croyait à l'université, mais qui cultivait l'art d'être désagréable, surtout avec les plus défavorisés, devenait l'exception. Un autre professeur pervers, enseignant d'une discipline considérée secondaire, passait son temps à disserter hors sujet, notamment sur sa vie personnelle, en oubliant qu'il venait là pour faire aimer sa discipline et se reprenait, parfois avec rudesse, pour rattraper ses égarements. De nombreux élèves ont pris en horreur le professeur et ce qu'il aurait du enseigner.
On sentait bien encore qu'il y avait plus de considération pour les élèves dont les parents faisaient partie de la petite élite locale que pour les derniers enfants de métayers. L'humiliation ostentatoire infligée, eu égard à des résultats peu probants, à un enfant de colonel jouissait d'un discernement. Cet assouplissement n'était pas de mise pour les enfants des familles paysannes.
Un nouveau collège mi-séculaire. Les locaux du XXème, toujours au cœur des années 60, ont perdu leur fonctionnalité. Il faut bien reconnaître que, dans les années 50, "on" faisait avec les moyens du bord. Les classes de l'ancien collège, au dessus des remparts, n'avaient de moderne que l'intitulé du collège. Les cours de récréation ressemblaient plus à des champs d'évolution qu'à des espaces de détente. L'internat devait même trouver une annexe hors des murs. Ne parlons pas du sport qui devait se faire pratiquement sans installation en usant parfois du stade dont la jonction, en rang, faisait perdre une grosse vingtaine de minutes sur les 55 minutes allouées pour cette discipline.
Le laboratoire, salle affectée au professeur de physique chimie, devint par manque de place, à partir de 1957, une classe, et les élèves de celle ci devaient permuter pour aller occuper la classe de leurs camarades venant assister aux cours justifiant des expériences.
Les travaux manuels du bois se faisaient, toujours par manque de place à l'extérieur dans les actuels locaux de l'O.T.
Avec tout cela. Les conditions spartiates n'ont pas empêché la découverte de certains cursus excellents ; force est, toutefois, de constater que ceux-ci revenaient plus facilement aux enfants jouissant, non de l'aisance, mais dont la condition était, en majorité, plus favorisée. Seuls les plus mauvais ouvriers trouvent qu'ils n'ont que de mauvais outils ! On trouve, parmi les anciens élèves, des gens qui ont parfaitement réussi. La dernière cuvée d'élèves de classe unique de sixième, promotion 1956/1962, compta un grand commis de l'état, un colonel, un magistrat, magistrature debout, plusieurs professeurs, un journaliste sportif, quelques autodidactes, dont un qui fut un pilier de l'E.A.T.P d'Ègletons, un fonctionnaire supérieur de la S.N.C.F ; il se reconnaîtra s'il lit ce blog. Ces derniers, bien sûr, ont largement dominé leurs camarades dans leur vie active. Tout le monde ne peut pas devenir major de l'E.N.A !
Les élèves qui sont passés par Sparte ont bien connu, faut-il le préciser, l'école de la vie !
Pierre Fabre.
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